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Indemnisations au compte-gouttes

jeudi 19 juillet 2001
Ouest France

Au secours ! Les victimes de la marée noire de l’Erika sont en train de se noyer dans une autre marée, celle des sociétés écrans et de la confusion juridique. Chaque semaine apporte son lot de mises au point et les indemnisations n’en finissent pas de se faire attendre. (Ouest-France du 19 juillet 2001)

NANTES. ­ Sous le coup de l’émotion causée par le naufrage, le monde du pétrole n’avait pas été avare de promesses. On allait voir ce qu’on allait voir ! Les victimes de la marée noire de l’Erika seraient indemnisées. Et dans les plus brefs délais. Par le Fipol (Fonds d’indemnisation pour les pollutions par hydrocarbures) qui disposait d’1,2 milliard de francs. Par le gouvernement, aussi, qui ferait le complément au cas où il n’y aurait pas assez d’argent. Quant aux collectivités territoriales, elles donneraient un coup de main pour minimiser les dégâts. Les victimes n’avaient qu’à présenter des dossiers qui seraient examinés par des experts.

Ce montage simple était trop beau pour être vrai. Des sociétés privées sont entrées dans la danse, notamment « Erika claims handling office » (Echo), basée à Lorient. Composée de quatre associés, elle assure le traitement, la vérification et la transmission des réclamations des victimes de l’Erika. Le droit maritime est, paraît-il, d’une complexité telle qu’il ne peut être débrouillé que par des experts patentés.

Aujourd’hui, « Echo-Fipol » est assignée en justice devant le tribunal de commerce de Lorient par la Confédération maritime qui lui reproche un usage opaque d’une partie des fonds destinés aux indemnisations.

Bien qu’extrêmement compliqués, ces récents épisodes juridiques ont l’avantage d’éclairer les victimes de la marée noire sur la complexité des procédures. Ils pourraient aussi expliquer leur lenteur.

100 millions versés

Où en est-on, un an et demi après le naufrage de l’Erika ? Le bureau parisien du Fipol assure que plus de 100 millions de francs ont été remis aux victimes, dont 47 millions pour la pêche et la conchyliculture. Là-dedans, il faut évidemment compter l’argent versé par l’armateur au titre du « fonds de limitation de garantie ». Ce qui veut dire que le Fipol n’a déboursé en réalité qu’une vingtaine de millions. Sur 1,2 milliard, c’est peu.

Pour être plus précis : au 5 juillet, le Fipol a reçu 5 086 demandes d’indemnisation pour un montant de 804 millions de francs. La moitié de ces demandes a déjà fait l’objet d’une négociation avec les victimes.

« C’est faux de dire que nous jouons la montre, proteste Bertrand Lemaire (Fipol). Actuellement, 93 % des dossiers présentés par le secteur maritime sont traités. Pour le tourisme, les dossiers sont arrivés plus tard. Le 1,2 milliard sera dépensé en entier car, une fois les sinistrés indemnisés, l’État français présentera sa créance. »

Quant aux victimes, elles « peuvent contester les montants, mais elles ont tout intérêt à toucher l’argent qu’on leur propose, lequel représente aujourd’hui 80 % du montant des dommages ».

« Les gens n’ont ni l’argent ni le temps de contester », s’écrie Alain Malardé (Confédération maritime). « Tout est fait pour minimiser et retarder les indemnisations », renchérit François Cadoret, président des conchyliculteurs de la baie de Quiberon. « Ils changent d’experts et les nouveaux ne tiennent pas compte des accords passés avec les professionnels. » Et Jean-François Serazin, hôtelier à Houat, résume la situation d’un trait : « On est dans une grande nébuleuse. On ne m’a toujours pas indemnisé mais je paye des taxes pour recettes exceptionnelles parce que j’ai logé et nourri des pompiers durant la marée noire. »

Occupés aujourd’hui dans leurs parcs, devant leurs fourneaux ou dans les marais, conchyliculteurs, restaurateurs et paludiers promettent une rentrée chaude.


Voir en ligne : http://www.ouest-france.fr/dossiershtm/naufrage-erika/190701.htm