Après la marée noire, la vague des procédures
mardi 12 décembre 2000
Ouest France
Le naufrage du pétrolier maltais Erika (le 12 décembre 1999 au large de Belle-Ile) a généré une dizaine de procédures contentieuses. S’est-on engagé dans un marathon judiciaire aussi épuisant que celui qui a suivi la marée noire de l’Amoco Cadiz, en 1978 ? Le point sur ces dossiers. (Ouest-France du 12 décembre 2000)
LA RECHERCHE DES RESPONSABILITÉS.
La juge d’instruction parisienne, Dominique de Talancé, a mis en examen, pour l’instant, neuf personnes. Karun Mathur, le capitaine indien de l’Erika, est poursuivi pour pollution maritime et mise en danger de la vie d’autrui. Charges pour lesquelles sont également mis en examen le propriétaire du navire, Giuseppe Sadavarese, responsable de la société Tevere Shipping basée à Naples, et Antonio Pollara, responsable de la société Panship de Ravenne, chargée de la gestion technique du navire. Il a de plus été retenu contre eux une abstention volontaire de provoquer les mesures permettant de combattre un sinistre.C’est aussi le motif qui vaut à deux militaires et un civil de la préfecture maritime de Brest, de permanence le week-end du naufrage, d’être mis en examen, comme le directeur adjoint du Cross-Étel. Enfin, le Rina, la société de classification italienne, et son responsable de la classification sont poursuivis pour mise en danger d’autrui. Me Alexandre Varaud, qui défend notamment 45 communes de Vendée et du Morbihan, n’exclut pas de voir l’affaire arriver en correctionnelle fin 2001 ou début 2002.
AU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-NAZAIRE
Me Corinne Lepage, qui défend les intérêts d’une quarantaine de communes en Loire-Atlantique, Vendée et Charente-Maritime, avait retenu la ville de Mesquer comme porte-drapeau de son action. Elle a été déboutée, mercredi. L’avocate réclamait que le fioul déversé par l’Erika soit assimilé à un déchet et que s’applique donc le principe du pollueur-payeur. Elle a fait appel.Par ailleurs, Me Varaud, devant ce même tribunal, a engagé une action en responsabilité civile contre le Rina afin d’éviter que l’affaire ne soit traitée en Italie.
TRIBUNAL DE SYRACUSE, EN SICILE.
La société Rina attaque l’État français et le département de la Vendée dans une action en non-responsabilité. Elle veut absolument que l’affaire soit jugée en Italie.
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RENNES.
Les comités du tourisme de Bretagne et des Pays de la Loire assignent Total pour dénigrement de l’image du littoral. En cause, un spot télé, diffusé du 13 au 24 juin : la compagnie y montrait des côtes encore poissées par le pétrole. Le 16 octobre, les deux CRT ont réclamé à Total 75 millions de francs pour cette campagne qui a créé « la confusion dans l’esprit du public ». Jugement le 18 décembre.
TRIBUNAL DE COMMERCE DE DUNKERQUE.
En tant qu’affréteur, Total sollicite une expertise pour évaluer son dommage. Dans une ordonnance du 2 octobre, le président du tribunal autorise les experts à auditionner l’équipage et à faire analyser les premiers échantillons prélevés sur le lieu du naufrage. Les experts devraient rendre leur rapport en juillet.
TRIBUNAL DU HAVRE.
L’Association des bénévoles de l’Erika veut obtenir un droit d’accès aux prélèvements de mazout pompés dans les cuves de l’épave. Le tribunal a autorisé ces prélèvements. Total a sollicité la restitution des échantillons.
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DES SABLES-D’OLONNE.
La Région des Pays de la Loire, les départements de Vendée et du Morbihan, défendus par Me Varaud, demandent une expertise des échantillons prélevés sur le sable, une analyse des causes et des conséquences du naufrage. Cela permettra, entre autres, un chiffrage des préjudices (écologiques, à l’image de marque) qui ne sont pas pris en charge par le Fipol.
TRIBUNAL DE BREST.
TotalFina demande la désignation d’un expert afin d’authentifier les prélèvements effectués lors du pompage. Ce tribunal se prononcera sur la comparaison des analyses des échantillons prélevés sur sable (expertise aux Sables-d’Olonne) et sur site (expertise à Brest).
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS.
– La Confédération maritime a déposé plainte contre le Fipol pour escroquerie et abus de confiance. Elle s’étonne des retards d’indemnisation. Par ailleurs, Alain Malardé, secrétaire général de la Confédération, a obtenu du tribunal de Lorient la nomination d’un huissier avec pour mission de se faire remettre par le Fipol son dossier d’indemnisation.
LES INDEMNISATIONS DU FIPOL.
A ce jour, le bureau Fipol (Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures) de Lorient a reçu 2 950 demandes dont 500 en octobre et novembre. Près de 1 770 ont été évaluées par les experts du Fipol et la Steamship Mutual, l’assureur du navire ; 1 460 dossiers (soit une facture de 113 millions de francs) ont été approuvés, mais pour un montant de 84 millions. Le Fipol n’a versé que 40 millions de francs, ce qui lui a valu, ce week-end, une remarque acerbe de Dominique Voynet. Le Fonds indemnise à hauteur de 1,2 milliard par sinistre. Il a décidé – « dans un souci d’équité » – de ne rembourser pour l’instant les victimes qu’à hauteur de 50 % de leur demande. Le niveau des paiements sera réétudié par le Fipol début 2001.M. P.
Voir en ligne : http://www.ouest-france.fr/dossiershtm/naufrage-erika/12-12-00a.htm