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MAREE NOIRE Le juge Dominique de Talancé va instruire une plainte pour escroquerie et abus de confiance déposée par la Confédération Maritime

Les victimes de l’"Erika" poursuivent le Fipol

lundi 27 novembre 2000
Le Figaro

Le Figaro
27 novembre 2000

Eric Decouty

Nouveau rebondissement dans l’affaire de l’Erika.
En fin de semaine dernière, Me Emmanuel Ludot, au nom de la Confédération Maritime, émanation de la Confédération paysanne de José Bové, a déposé une plainte au tribunal de grande instance de Paris pour "escroquerie et abus de confiance".

Cette plainte avec constitution de partie civile, dont il nous a été indiqué de source judiciaire qu’elle devrait être confiée au juge Dominique de Talancé déjà en charge du dossier Erika, vise plus particulièrement le Fipol (Fonds International d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution des hydrocarbures).

Différentes personnes sont soupconnées d’avoir mis en oeuvre des mécanismes complexes afin de détourner l’argent destiné à indemniser les victimes de la marée noire.
Le dossier déposé sur le bureau du procureur de la République de Paris est pris d’autant plus au sérieux qu’il est constitué d’informations extrêmement précises sur les montages réalisés autour de l’Erika.
L’avocat -aidé de l’ancien gendarme Paul Barril- a depuis de longs mois mené des investigations en France, en Angleterre et en Italie, qu’il appartient désormais à la justice de mener à terme.

C’est, en fait, une kyrielle de sociétés dispersées à travers le monde et aux activités souvent troubles qui apparaissent désormais au grand jour.
L’histoire commence en janvier dernier avec l’annonce par le Fipol d’une enveloppe de 1,2 milliards de francs destinés aux victimes.
L’assureur du propriétaire de l’Erika, une société domiciliée aux Bermudes et dénommée Steamship Mutual Underwriting Association Limited (Smua), y contribue à hauteur d’un peu plus de 84 millions de francs.
Organisme intergouvernemental, le Fipol est alimenté directement par les compagnies pétrolières, Total étant son troisième contributeur.
Le Fipol ouvre aussitôt , à Lorient, un bureau chargé d’examiner les requêtes de chaque victime de la pollution.

Cette structure est gérée par une autre société au nom exotique : Echo (Erika Claims Handling Office), immatriculée au registre du commerce de Lorient et composée de quatre personnes, tous courtiers.
Il s’agit d’une SARL, dont l’objet est, notamment, de diligenter des experetises avant de valider des demandes des plaignants.
L’argent déboursé par le Fipol est déposé à Londres, les 84 millions de Smua se trouvant sur un compte dans une banque de Lorient.
Rien de bien extraordinaire jusque-là.

"Sauf que depuis bientôt un an, il n’y a quasiment pas eu d’indemnisations, souligne Me Ludot, ce qui nous a conduit à chercher les raisons d’un tel blocage".
Résultat : les investigations conduites par l’avocat et l’ancien gendarme Paul Barril ont révélé que certains membres actionnaires de la société Echo étaient des assureurs commerciaux, de surcroit représentants pour la Bretagne de la société Smua, l’assureur du propriétaire de l’Erika.
"Il y a une collusion totale entre le Fipol et la Smua, commente Alain Malardé, président de la Confédération maritime qui a déposé la plainte.
"Par l’entremise d’Echo, tout est mis en oeuvre pour retarder au maximum les indemnisations. Les sommes qui devraient aller aux victimes de la marée noire rapportent ainsi des dividendes aux différentes personnes intéressées à ce montage."
De plus, l’argent du Fipol n’est débloqué que pour 3 ans. "Si à cette échéance, il reste des millions en caisse, ils seront rendus aux compagnies pétrolières", poursuit Alain Malardé.

Me Ludot a décidé d’engager des poursuites contre X pour escroquerie, considérant notamment que la société Echo "mise en place par le Fipol était composée de représentants de la compagnie d’assurances et ne peuvent donc être habilités à gérer les indemnisations".

"Comment peut-on croire en leur [im]partialité" ajoute Alain Malardé.
Quant au chef d’abus de confiance "il est constitué par le fait que ces montages ont comme premier objectif de retenir les fonds destinés aux victimes", poursuit l’avocat.

Le juge Dominique de Talancé va maintenant se plonger dans un volet du dossier de l’Erika dont il a déjà eu à connaître au fil de son instruction.
Au-delà des responsabilités dans le naufrage du pétrolier, il s’agit d’éclaircir les montages réalisés autour de sociétés le plus souvent basées aux Bermudes.
Car, si ce paradis fiscal abrite l’assureur de l’Erika, on y retrouve également Total International Limited, l’affréteur du navire.
Le véritable rôle joué dans cette affaire par Steamship Mutual Underwriting Association limited (Smua) pourrait permettre de dévoiler les dessous financiers du naufrage de l’Erika.


Voir en ligne : http://www.radiophare.net/archive_radiophare.html?forum=archive_radiophare&body=1317&ion=2